Premiers pas pour certains et derniers pour d'autres... [Libre] [Terminé]

Kirua descendit vers le sud depuis la base où il reçut tout ses équipements. Était-ce seulement le sud ? après tout, cette plaine était bien assez dégagée pour apercevoir le soleil et pouvoir se situer. Un dense feuillage ou une forêt sombre et une boussole aurait été nécessaire à Kirua pour s'orienter. Ses pas l'avaient guidé ici sur cette plaine dégagée, ça l'embêtait plus qu'autre chose car étant assassin et doté de fléchettes en tant
qu'armes, l'endroit n'était pas le mieux choisi pour chasser de l'homme.

Sur le plan d'armement, il était trop vulnérable et exposé sur cette zone, il devait donc en sortir le plus rapidement mais surtout le plus discrètement possible. Pour ce faire, il se mit à plat ventre et se fondit au paysage, en se couvrant de touffes d'herbes coupées et rompant rapidement mais silencieusement vers la ligne noire et floue qu'il apercevait à l'horizon. La ligne se faisait de plus en plus nette et de moins en moins droite à mesure qu'il avançait, il ne tarda pas à comprendre que c'était une ligne verte plutôt que noire présageant une forêt aux arbres à feuillage dense et donc pratique pour lui. C'était ça, il lui fallait atteindre cette forêt désormais son seul et unique objectif.
Au fur et à mesure qu'il avançait, il sentait des petits mouvements ici et là, il tuait donc les petites bêtes responsables de ces dérangements en les écrasant avec la paume de sa main, ou les poignardant avec la pointe d'une fléchette. Il aimerait bien qu'elles se tiennent tranquilles ces bêtes, qu'il puisse entendre des bruits plus suspects que les croassements de grenouille ou encore les cris stridents des insectes. Au moins il avait trouvé un nouveau usage pour ses fléchettes, il décida d'en garder toujours une dans chaque manche, des pointes aigües dissimulées pourraient bien lui servir en combat rapproché, et en cas de combat à moyenne à longue distance...c'est bien pour ça les fléchettes non ?

Aussi, il garda le cadavre de certains insectes et reptiles dans sa poche, dès qu'il atteindrait une cachette sûre dans cette forêt, il pourra les examiner et voir s'il peut en tirer du poison à imprégner au bout de ses fléchettes...en attendant, il continuait à ramper en posant un coude après l'autre et écrasant des petits reptiles au passage...

Rampant ainsi pour une distance qu'il estimait être d'environ 500m, il perçut des changements dans l'atmosphère signes avant-coureurs de neige or possiblement du froid, contre lequel il n'était guère protégé, il décida donc d'accélérer la cadence vers un tant désiré abri dans cette forêt...
Le poids de la fatigue se faisait de plus en plus lourd, il rampait pour maintenant 600m avec ces cadavres de serpents dans les poches _il s'est débarrassé des insectes et autres reptiles les jugeant finalement inutiles_ dans les poches et habillé en plus de cette couche d'herbe pour se camoufler. Maintes fois il songea à se relever et marcher normalement ou courir, mais la raison lui rappelait que son état de fatigue empirait et qu'il risquait encore plus s'il était découvert. Il s'est toujours fait de la raison sa volonté, et cela n'était pas près de changer.
De plus, il ne pouvait laisser son esprit bénéficier de l'inconscience du troisième souffle, son esprit devait rester présent, non seulement pour de possibles atteintes à sa vie, mais aussi car durant son périple _et c'est bien dire vu son état actuel_ il remarqua qu'il n'était pas toujours responsable des cadavres de petites bêtes autour de lui.
Il devina ainsi la présence de pièges et la nécessité de doubler de prudence à chaque coude posé...

Plus que trois centaines de mètres...le désir de se lever et marcher normalement vers le forêt s'intensifiait de plus en plus, ses muscles poussaient des cris de protestations contre le supplice auquel leur leur hôte les a soumis. Celui-ci avançait encore et encore le plus discrètement possible ignorant tout cela. Cela faisait longtemps que la fatigue avait commencé sa torture, et pourtant il persistait encore à prendre le seul choix qu'il se représentait dans son esprit : avancer.
On pourrait imaginer que son camouflage _il s'est recouvert de touffes d'herbes arrachées auparavant_ serait inutile car ses gouttes de sueur pourraient mener à lui, mais la vérité est que Kirua depuis sa naissance n'a jamais sué, quel que soit l'effort soumis à son corps, aucune goutte de sueur ne perlait jamais de son corps. Cette "faculté" que sa famille jaugeait bizarre et inutile lui servait maintenant, car il était non-seulement camouflé visuellement mais aussi à l'abri de forts odorats humains ou bestiaux.
Dans un court instant de soumission à la proposition du troisième souffle que lui offrait son organisme, il continua sa route presque inconsciemment et ne tarda pas à payer le prix du "confort" qu'il avait choisi ; un piège à ours se referma d'un coup sec sur sa cuisse gauche et les deux fermoirs s'embrassèrent...
Violemment tiré de son état semi-conscient, il sentit d'abord l'odeur de son propre sang avant de percevoir la marre qu'il trainait avec lui, avec le piège d'ours à quelques mètres derrière ; sa faible conscience et la haute température de son corps due aux efforts fournis lui avaient permis de rester un instant insensible à la douleur, mais celle-ci décida de se manifester à environ 200m de son objectif. Peut-être à cause du fait qu'il avait perdu trop de sang.
Il se retourna enfin vers sa blessure, sa fatigue était telle que sa vision en était fortement floue, néanmoins il put distinguer les contours de sa blessure, et en conclure que le piège à ours s'était refermé à la surface de sa cuisse, toutefois une profonde écorchure menaçait de vider son sang et il devait stopper l'hémorragie avant de continuer.
Il fit une pause et retira quelques touffes d'herbe de son camouflage _qu'il remplaça par la suite_ et les noua de façon à confectionner deux lianes qu'il serra autour de sa cuisse, après l'avoir désinfectée avec un peu de l'iode dans son sac.
Il prit la téméraire décision de retourner vers le piège à ours, l'arracher du sol grâce à des réserves de forces qu'il n'espérait pas, et le mit dans son sac. De tels tranchants ne pouvaient que lui être utiles par la suite...
Supportant à présent la pesante fatigue et la douleur persistante de sa blessure, il continua courageusement _ou follement_ à ramper vers la forêt, un lieu que son corps et esprit ravagés par les pressions, définissaient comme un paradis, même si Kirua savait quelque part en lui même qu'une forêt par ce temps annonçant la neige et sur une île d'assassins pouvait tout être, sauf un paradis de repos.
Il avait trop misé sur la discrétion et l'invisibilité, en contrepartie il payait le prix physiquement...

À mesure qu'il avançait, il sentait la chaleur de son propre sang couler à nouveau de sa blessure, malgré les lianes sensées le garder dans sa circulation normale. Il fit donc un plus gros nœud grâce à d'autres touffes d'herbes et resserra de plus belle malgré la douleur fulgurante qui persistait.
Sang, halètements ou râles plutôt, douleurs incessantes provenant de chaque muscle de son corps, il se devait de supporter tout ça pour survivre. Sa vie était en danger alors qu'il n'avait même pas encore rencontré d'assassin. La nature se révélait être un adversaire de taille. D'autant plus que maintenant il portait dans son sac cette masse de fer du piège à ours ramassée plutôt...ah mais le sac ! comment a-t-il pu oublier une chose aussi cruciale ? _il ne s'arrêta pas pour autant en pensant à cela_ il avait tellement sombré dans son état de fatigue qu'il en avait oublié qu'il avait de quoi tenir le coup dans son sac !
Il fit une pause de tout juste assez de temps pour boire la moitié de sa première gourde d'eau. Plus au moins revigoré, la présence de ses provisions le réconfortait en quelque sorte et l'encourageait à poursuivre.

*Allez...plus qu'une petite centaine de mètres...*

Il rêvait déjà du "confort" et repos que pourrait lui procurer cette forêt, objectif ardemment désiré de par tant d'efforts...

Qu'avait-il donc fait de si terrible à la nature pour qu'elle s'acharne tant sur lui ? Arrivé enfin à son objectif, tout juste devant la forêt, les fantasmes et espérances qu'il se faisait pour continuer n'auraient pu trouver meilleur contraste que la réalité s'imposant devant lui. Rien de cette forêt ne s'annonçait accueillant pour quelqu'un qui venait de ramper un Km avec une blessure saignante à la cuisse ; d'autant plus que la nuit tombait, des auras sinistres émanaient de la forêt, des désirs assassins bestiaux et humains, des bruits de pas rapides et...était-ce son imagination ou c'était un hurlement de loup ?

Qu'allait-il faire maintenant ? en venant ici, il espérait trouver un refuge sûr où dormir la nuit, mais même l'air de cette forêt semblait menacer d'étouffer ses hôtes. Il n'avait de toute façon pas le choix se dit-il, bien que sa blessure fut rapidement cicatrisée _ses blessures ne prenaient jamais plus de 12h pour cicatriser une fois désinfectées_ il ne pouvait rôder la nuit dans cette forêt, l'obscurité était certes un avantage pour ses yeux et ses fléchettes mais il était beaucoup trop fatigué pour tenter quoi que ce soit cette nuit. Une bonne nuit de sommeil c'est ça qu'il lui fallait, ainsi qu'un bon refuge et il allait se charger lui même de le rendre sûr.

Se levant enfin de sa position à plat ventre, il se mit debout pour sentir aussitôt les ravages que cette traversée avait fait subir à son corps. Une douleur fulgurante quoique supportable traversa sa cuisse, les muscles de ses bras et abdomens criaient grâce, supportant ainsi sa décision de se reposer avant de continuer.

Il s'aventura donc enfin dans cette forêt, avec l'impression que des yeux se cachaient derrière chaque feuille des arbres l'entourant. Une fois de plus, il aurait bien aimé que les petites bêtes se tiennent tranquilles que d'autres sons plus menaçants puissent lui parvenir...